EGYPTE : Louxor - Le Caire (29 novembre - 14 décembre 2017)

Louxor, magnifique ville.


Bien tranquille, séduisante.


Nous aurions pu y rester beaucoup plus longtemps, mais l'itinéraire que nous avons choisi pour rejoindre le Caire est long de 1400 km.
Il nous faut donc nous remettre en selle.

La patate chaude

Trois itinéraires s'offraient à nous pour rejoindre la capitale. 
Le long de la mer rouge en traversant une partie désertique depuis Qéna pour rejoindre la station balnéaire de Hurhgada, puis suivre la côte avec le vent de face et les (moches) hôtels club. L'itinéraire le moins attrayant
Suivre tranquillement le Nil par les "agricultural roads". L'itinéraire le plus court, le plus vert, le plus peuplé, le plus en contact avec les Egyptiens.
La route des oasis. Traversée du désert avec pour étapes des oasis luxuriantes, des paysages à couper le souffle (désert noir, désert blanc). Nous avions déjà eu l'occasion d'admirer cette région. C'est incontestablement l'itinéraire le plus beau et celui que nous avons choisi. 

Au matin nous quittons Louxor pour rejoindre la rive Ouest du Nil, moins fréquentée. Cela nous permet également de passer aux pieds des colosses de Memnon


 et d'admirer de loin quelques magnifiques tombeaux royaux millénaires.


Malheureusement, dès la sortie de ces lieux touristiques, nous arrivons sur un check point militaire. Les forces de l'ordre sont formelles. Nous ne pouvons pas passer. Interdit, Négociation vaine, inutile. 
Il nous faudrait faire demi tour et retourner a Louxor pour prendre le train. 
Nous réussissons quand même à expliquer que le train refusera nos vélos, tout comme les bus d'ailleurs, que nous sommes condamner à pédaler... (Poor lonesome cyclists...)
L'argumentaire fait mouche. Exceptionnellement une voiture va pouvoir nous conduire à Qena.


Après une longue attente, un pick up et 4 policiers en armes arrivent. Les vélos sont chargés et nous sommes conduits, à vive allure... un peu plus loin, ou, comme lors des épisodes précédents, nous sommes refilés au poste de contrôle suivant. Et démerde toi avec ceux là.... En trois transferts, nous arrivons quand même à Qéna et sommes remis aux autorités locales. 

Eux non plus ne savent pas quoi faire de nous. 
- Un peu tôt pour les emmener à l'hôtel.  
- Des touristes, ça fait du tourisme...non ?
- Bien vu jeune appelé. Chauffeur, direction le temple de Hathor, dédiée à la déesse Dendera.


Nous nous laissons guider. Pour nous les portes sont décadenassées,  ouvertes. Nous pouvons à loisir admirer ce magnifique monument, gigantesque. Rien que pour nous.


 Et vraiment bien conservé.


Fin de la visite, les policiers nous conduisent dans un hôtel de la ville.


A notre arrivée le tenancier fait un peu la gueule. Voir débarquer chez lui 2 étrangers encadrés par les forces de l'ordre. Pas très vendeur.
Le gradé nous confirme que demain nous ne pourrons pas continuer à vélo. La région est fermée aux étrangers. La seule solution s'offrant à nous est de redescendre à Louxor pour prendre le train de nuit. Le seul autorisé aux touristes car "militarisé".
Cartes routières en main, nous expliquons que nous voulons juste aller à Asyut pour ensuite nous enfoncer dans le désert et suivre la route des oasis. 
Douche froide. La route des oasis est également interdite. Pour y circuler il faut une autorisation spéciale, ainsi qu'une escorte, à la charge des voyageurs... 
Il reste quand même une alternative au train. Rejoindre la ville d'Hurghada, mais avec la police...

Le lendemain matin, notre escorte est déjà présente devant l'hôtel. A se demander s'ils n'ont pas passé la nuit dans la voiture. Impossible de s'échapper, de leur échapper, ni de pédaler d'ailleurs.


Les 220 kilomètres qui nous séparent de la mer rouge sont avalés en quelques heures, même si nous changeons 8 fois de véhicules. A chaque fois les policiers sont agréables. Nous faisons des selfies, ils nous offrent le thé, mais ne nous lâchent pas...


Ambiance détendue, ce qui confirme qu'il n'y a aucun problème de sécurité, seulement une directive. Les ordres sont les ordres.

Pour notre dernier transfert, les jeunes flics ont oubliés leurs fusils. Du coup, ils nous abandonnent au milieu de nulle part et retournent vite au poste.
- A partir d'ici, c'est "safe", vous pouvez y aller. Nous lancent ils en partant,

Nous enfourchons enfin nos vélos et filons en direction de la ville, distante encore de 45 kilomètres. 
A Hurghada, quelques touristes trainent dans les rues. En très grande majorité de nationalité Russe.


D'ailleurs tout est écrit en cyrillique et les rabatteurs de restaurants nous apostrophent dans la langue de Poutine. 

Nous trouvons un hôtel en bord de mer. Un 4 étoiles d'après l'unique dépliant affiché à la réception. Piscine sur le toit, solarium,  2 restaurants, 2 bars servant de l'alcool, animations, excursions, plage privée....


- 8 euros la chambre nous annonce le gardien endormi. 
- Incroyable nous disons nous. 
En fait, non, ce n'est pas incroyable, c'est presque cher...Car depuis quelques années, les touristes ont fuis l'Egypte. L'hôtel qui n'a pas été rénové, est délabré, la piscine sert de dépotoir, les canalisations sont le repère des cafards. Les restaurants, bars et autres prestations n'existent plus. Nous sommes les 2 seuls clients de ce bâtiment affichant 400 chambres. 


L'orient si proche. 

Une journée complète à flâner dans la ville, à discuter avec les commerçants aux boutiques débordantes de souvenirs, mais vides d'acheteurs. La ville est triste, gangrénée par des constructions inachevées, des rideaux tirés.... 
Le touriste va revenir "Inch Allah" nous disent les vendeurs résignés.


Sur notre carte, il y à un ferry qui traverse d'Hurghada à Sharm El Sheikh. Cela nous éviterait de remonter le long de la mer rouge. 
- Nous pourrions rejoindre Dahab, puis Taba avant de passer en Israël. Noël à Bethléem, ça aurait de la gueule non ?
L'idée nous plait. C'est ce que nous allons faire. 
Nous trouvons la compagnie de transport qui assure la liaison. Ou plutôt qui assurait la liaison. La ligne maritime est fermée depuis quelques années. Elle rouvrira plus tard "Inch Allah". 
Dans notre quête de traversée, nous faisons le tour des bateaux privés, des agences de plongée... Tous restent à quai.


Déçus, mais motivés, nous reprenons les vélos et la route direction le Nord. Bien décidé à contourner ce bras de mer.


Sur la route, aucun barrage policier, nous qui aurions tant aimé être escorté... Cela nous aurait évité de batailler contre le vent.


Dans les parties désertiques nous suivons de près la mer rouge. Le reste du temps elle nous est cachée par les raffineries ou les affreux resorts à l'abandon.



Le voyage nous échappe

Quand nous arrivons à Suez, les gens sont nerveux. Des ados excités nous courent après. Ils gueulent des injures à propos des Américains. A l'hôtel le gérant nous demande notre nationalité avant de nous dire s'il à une chambre. Il est tout de suite plus sympa quand il voit notre passeport Français. 

Sentant que quelque chose se trame, nous profitons de la connexion wifi pour prendre des nouvelles du monde. Johnny Halliday et Jean Dormesson sont morts et Donald Trump a reconnu Jérusalem comme étant la capitale d'Israël. Les 2 premières infos ne doivent pas beaucoup perturbés les Egyptien, par contre le discours du remplaçant d'Obama ne plait pas au monde musulman. Partout des manifestations sont annoncées. 
Pour nous le proche orient s'éloigne. 

Nous accusons le coup. Nous avons l'impression d'être dans une souricière sans sortie. Depuis notre entrée en Egypte, nous ne maitrisons plus notre voyage.
Il faut que nous le reprenions en main. Tant pis pour la messe de minuit dans la Basilique de la nativité, nous allons quitter le pays en avion et rapidement. La décision est prise. 

A Suez nous n'allons même pas voir le canal, nous sautons, avec nos vélos, dans un bus. Direction Le Caire. 
Le bus nous dépose quelque part sous un pont. Impossible pour lui de rejoindre son terminal La ville est bloquée. Des manifestations, pourtant interdites, sont en cours.
En ville les Egyptiens ont "allumé le feu". J'ai une pensée pour l'idole des jeunes, Des drapeaux Américain flambent tandis que nous poussons nos vélos à travers le centre ville pour trouver un hôtel sympa. 

Jour de colère dans les rues du Caire. Nous attendrons dimanche pour trouver de quoi emballer nos vélos, visiter, nous acheter un billet d'avion et en terminer avec l'Afrique. Pour le moment, nous montons nos vélos au 4ème étage de la Pension Roma. L'ascenseur est en panne. Il sera réparé demain "Inch Allah". 


L'Afrique en quelques mots et chiffres. 

Nous n'avions pas prévu de traverser ce continent. Mais arrivés au "bout" de l'Amérique du Sud, nous n'étions pas prêt pour rentrer. Impossible de monter dans un avion et d'atterrir en France. Trop violent après trois années de vagabondage. L'Afrique nous est alors apparue comme un bon moyen de terminer le voyage en douceur. 

En fait ce fut un voyage à part entière, plein d'émotions et de moments forts. Pas vraiment la destination pour terminer en douceur. Du coup, nous ne sommes toujours pas prêt pour rentrer...

Nous ne connaissions rien de ce continent. Incapable de "placer" le Zimbabwe sur une carte ou de citer la capitale de la Namibie. Pour nous Afrique était égale à désert, animaux, famine, conflits, chaleur, immigration. Le discours des médias en quelque sorte...

Les déserts sont bien présents. Magnifiques, colorés, grandioses.  Les animaux y sont encore en liberté et pas seulement dans des parcs. La famine et les conflits doivent, hélas, exister dans certaines régions (surement les mêmes). Mais la plupart des pays sont en paix. Jamais nous ne nous sommes sentis en danger ou en insécurité. Quant au climat, il est comme partout, variable. Nous avons eu très chaud au Soudan (50°) et limite froid sur les hauts plateaux d'Ethiopie ou les nuits en plein désert. La petite laine nous a manquée parfois, car nous avions renvoyé toutes nos affaires "chaudes".
Quant aux habitants, du à un lourd passé colonial, le rapport à l'homme blanc peut être parfois pesant, mais dans la très grande majorité, les Africains sont plutôt cool et aiment leur pays.
Un continent qui n'a pas, complètement, rejoint "la mondialisation" et c'est tant mieux.

Nous avons vraiment aimé la partie Australe. Ses habitants, son rythme, ses ambiances, ses paysages, ses pistes, ses animaux. La partie nord a été plus difficile. Agressivité des gamins en Ethiopie, vent fort au Soudan, événements perturbant notre trajet en Egypte.

Pour autant, nous avons une impression de "pas assez", d'être allés un peu trop vite, d'avoir juste traversé ce continent. L'Afrique demande plus. Il faut s'en imprégner.
J'espère que nous pourrons y revenir (Inch Allah)

Pour les chiffres : 8 mois, 8 pays, 13 700 kilomètres.

La suite 

Les vélos sont emballés, les billets d'avion achetés. Jeudi 14 décembre nous nous envolons pour l'Europe. 


D'ici là, nous allons encore profiter du Caire avant de  rejoindre l'aéroport en taxi, (surement l'Aventure du voyage).



Passez tous de bonnes fêtes de fin d'année. On se retrouve en 2018 (Inch Allah). 









SOUDAN - EGYPTE : Khartoum - Louxor (10 novembre - 28 novembre 2017)

Bien reposés, nous quittons Khartoum un vendredi, l’équivalent de notre dimanche, afin de profiter du calme de la ville. 

Rapidement nous sommes en périphérie 

après un très court passage le long du Nil.

Au départ, nous pensions suivre ce fleuve mythique, mais cela nous obligeait à beaucoup plus de kilomètres. A la dernière minute, nous avons changé d’avis et pris plein nord, au plus court.
Dans notre imaginaire, le Sahara était un désert de sable à perte de vue. 

Pour le traverser, nous imaginions pousser nos vélos au milieu des dunes et caravanes de chameaux…..

Heureusement pour nous, au Soudan, le désert se traverse sur une belle route asphaltée.


Nos seules virées dans le sable seront pour y poser notre tente, profiter de l’immensité de la terre et du ciel.

Vélos vs sèche cheveu.
Théoriquement il nous fallait 10 jours pour parcourir les 1000 kilomètres nous séparant de Wadi Halfa. Théoriquement. Terrain plat, peu de villes, aucune visite prévue. Facile, prévisible. Du tout cuit. Départ 8 heures, 2-3 heures d’arrêts, 6 heures de vélo. Parfait.

Terrain plat pas un arbre, pas une dune. Rien. Absolument rien pour ralentir ou détourner Eole de sa trajectoire Nord Sud. L’inverse de la notre.
Du coup, nous avons vite compris que notre théorie allait… s’envoler.
Pourtant, le vent nous connaissons. Ne sommes nous pas nés dans la vallée du Rhône ? N’avons nous pas affronté, il y a presque un an (déjà), le vent des terres australes d’Amérique du sud ?
Pas comparable. Rien à voir avec celui affronté ailleurs, autrefois.
Son cousin de Patagonie est impétueux, capricieux. Ses rafales peuvent envoyer un cycliste dans le fossé de manière inattendue, ou même renverser un camion d’une seule bourrasque. Mais ce sont des rafales, des « coups de colère », qui savent s’arrêter de temps en temps.
Ici, ce n’est pas le cas. Puissant, régulier, sans à coup. Il fait partie de l’environnement. Nous arrivons même à l’oublier tellement sa force est tranquille. Il donne juste la sensation de rouler avec les freins bloqués.
Pour progresser, nous nous sommes levés tôt, nous sommes arrêtés à la nuit mais surtout nous nous sommes épuisés pour avaler 80 km par jour, le compteur bloqué à 9-10 km/h.
Peu après Dongola, la grosse ville du parcours, nous rencontrons Thomas. Notre premier cycliste depuis 4 mois. Parti du Caire il y à moins d’un mois, il a déjà parcouru plus de 2000 kilomètres, avalant entre 150 et 170 bornes par jour. Quand nous le croisons vers 13 heures il a déjà 110 kilomètres au compteur.


- Le long de la mer rouge, j’avançais à 30 km/h, sans toucher aux pédales nous confie t’il. Ici, c’est pareil. J’avance trop vite….
Ce vent a quand même un avantage. Il chasse les milliers de mouches qui peuplent le désert et qui viennent se régaler de notre sel dès que nous trouvons un abri.


Desséché sans avoir soif.
En plus de nous épuiser, ce vent de face nous a desséché. 
J’avais lu, il y a quelques temps de cela, dans une revue de randonnée, Alpi rando si ma mémoire est bonne, qu’il fallait faire attention à la déshydratation. Le magazine précisait : « Un randonneur bien hydraté doit pouvoir uriner 5-6 fois par jour ».
Ces derniers jours, nous ne pissions qu’une fois par jour. Certaines fois, pas même une goutte en 24 heures.
Pourtant, nous n’avons jamais ressenti la sensation d’être assoiffé. Nous avons bu, vidant des litres et des litres d’eau par jour, car l’eau n’a pas été une denrée rare dans ce monde de sable.  

Régulièrement, nous avons trouvé des points d’eau disposés au bord de la route. Un alignement de 4-5 jarres en terre cuite avec de l’eau dedans et un petit récipient, souvent une boite de conserve, servant de verre.
Même au milieu de nulle part, ces points d’eau étaient approvisionnés. L’eau provenant soit du Nil, soit pompée d’une nappe souterraine.
De couleur grisâtre et peu appétissante,  nous avons commencé par la filtrer, mais rapidement, nous n’avons plus pris cette précaution, plongeant directement ce liquide salvateur et frais, c’est impressionnant comment ces jarres de terre cuite peuvent maintenir au frais, dans notre gosier. Nous n’avons eu aucun problème d’intestins.
Nous avons bu, mais étions déshydraté.
Luttant contre ce sèche cheveu naturel, nous avions la gorge, la bouche, les lèvres sèchent. Même la langue n’était plus humide. En fait, ce n’est que lors de nos arrêts que nous nous rendions compte de notre état « desséché ». Quand ouvrir la bouche devenait douloureux, qu’il était impossible de parler, que tout semblait "collé" en un seul bloc.
Avec la gourde nous nous injections une première dose de liquide. Aussitôt absorbée par les tissus. Cette eau ne connaitrait jamais notre estomac. La deuxième gorgée nous la conservions dans la bouche pour hydrater en douceur. Ensuite, nous buvions, buvions et buvions encore.
Pour éviter cette sensation de sécheresse buccale, nous aurions du nous forcer à boire plus régulièrement, par petites gorgées. Le top aurait était un « Camelback » avec une pipette. Mais nous n’avons que des gourdes attachées au cadre. Pour boire il nous faut s’arrêter et enlever les élastiques qui maintiennent les contenants.

Vêtements de carton.
A force de pédaler, de transpirer sans nous en rendre compte, les mailles de nos habits étaient remplies de sel et de sable, ce qui devait attirer les mouches. Le soir quand nous les quittions, ils tenaient tout seuls…
Il y a de l’eau dans le désert, mais nous ne voulions pas la gaspiller pour laver nos fringues. Les points d’approvisionnement ne sont pas fait pour cela. Car ces jarres servent à tous, cyclistes (peu nombreux), routiers, mais surtout pour les chercheurs d’or. Nombreux dans la région, ils ratissent le désert avec leurs détecteurs de métaux. 

Nous les croisions régulièrement aux points d’eau, venant remplir leurs jerricans avant de s’en retourner à leurs travaux de forçats.
Tous rêvent de trouver le filon ou la pépite qui leur permettra de s’envoler vers des ailleurs plus facile. A chaque fois ils étaient fiers de nous exhiber leurs trouvailles qui se résumaient, le plus souvent, à quelques paillettes.

Avec nos vêtements de carton aux couleurs fanées par le soleil, ils devaient nous prendre un peu pour l’un des leurs. Ce que nous sommes surement. Des vagabonds du bonheur trouvé ou à trouver.

Haute tension.
Que la vie en couple est facile quand on est sédentaire… Des horaires différents, des cercles d’amis pas toujours communs. En fait, quelques heures quotidiennes à vivre ensemble.
Sur un voyage au long cours, c’est complètement différent. C’est du 24/24. Royal quand tout va bien, mais beaucoup plus difficile quand les éléments s’en mêlent.
Sur cette partie, le soir nous étions épuisés par cette lutte incessante contre notre ennemi invisible. Pourtant, il fallait encore monter la tente, ne pas la voir s’envoler, la maintenir au sol, préparer le repas en protégeant le réchaud, tenter de se dépoussiérer au mieux avant de s’effondrer dans notre abri de nylon.

Mais cet épuisement quotidien nous a attaqué de l’intérieur, aiguisant les susceptibilités, titillant les nerfs. Pour un rien nous nous sommes engueulés comme des chiffonniers, reportant sur l’autre tous nos malheurs, notre faiblesse, notre fatigue.
Un pneu à plat. – Tu peux pas faire attention, va falloir regonfler, réparer. Y en a marre p….
Le gaz qui s’éteint. – Tu vois pas qu’y a du vent, tu pouvais pas mieux le protéger Fais ch….
Et ainsi de suite…
Bien reposé à présent, nous en rions…. Jusqu’à la prochaine galère.
Et ainsi de suite…

La chasse au trésor
Vous vous souvenez de cette émission (que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître), avec Philippe de Dieuleveult ?
Les concurrents devaient trouver un trésor en interrogeant les locaux, en les priant de les aider, de les convoyer… le tout avec un temps limité.
A Wadi Halfa, nous avons ressuscité cette émission pilote des années 80.

Nous savions que de Wadi Halfa, au nord du Soudan, partait un ferry pour Assouan en Egypte. Notre guide PDF sur le Soudan, datant de 2007, soit une éternité pour ce pays qui entre temps c’est scindé en 2, a changé de monnaie, d’heure…, indiquait un départ de la petite ville le mercredi.
Nous étions mardi, nous avions donc le temps. Arrivés pour la pause déjeuner, nous avons pris notre temps, savourant un repas, qui pour une fois n’était pas à base de haricots rouge, 

l’agrémentant même d'un kilo de yaourt frais, acheté à l’épicerie dans face, et finissant par quelques dattes.  
Puis, par mesure de sécurité, comme nous sommes des cyclistes prévoyants,  nous nous sommes inquiétés du départ du ferry. Horaires, lieu…

Malgré le fait que la ville ne vive que grâce à son port, personne ne semblait comprendre de quoi nous parlions. Nous avons donc décidé de filer à l'embarcadère pour prendre les renseignements. 5 km, vent dans le dos.
Une fois arrivé, nous avons trouvé les renseignements, mais ils ne correspondaient pas à ceux que nous attendions.
Oui, il y avait toujours un ferry pour Assouan. Non il ne partait pas le mercredi, mais aujourd’hui dans 2 heures…. L’activité et le nombre de personnes en témoignait.
Oui les billets s’achetaient en ville. Oui il  fallait passer à  l’immigration avant. Non, aucun problème pour les vélos. Oui il fallait se dépêcher….
La chasse au ticket pouvait commencer.

Pour être dans les temps, nous nous sommes accrochés à un antique Land Rover, avons sautés sur une carriole tirée par un âne. Grâce à l’adresse du bureau de la compagnie maritime,  que nous avions eus la bonne idée de faire traduire en arabe, nous avons imploré à des gens de nous guider, de nous y conduire. 

Au poste de Police, nous avons joué des coudes pour passer devant tout le monde, puis nous avons de nouveau couru pour récupérer un papier manquant…
Pendant ce temps, une autre personne essayait de nous retrouver pour nous restituteur la casquette « bomberos volontarios Campo Grande » que dans la précipitation nous avions perdue je ne sais où…
Finalement, dans les délais nous avons récupéré la casquette, acheté 4 tickets de bateau (2 pour nous + 2 pour les vélos , le tout pour la somme de 700 SDG), payé une taxe portuaire au bureau de Police « juste derrière » et rencontré des gens soucieux de nous aider.
Nous pouvions regagné l'embarcadère rapidement, mais l'esprit tranquille.
A la grille du port, le gardien qui nous avait permis de rentrer la première fois, nous réclama une taxe d’entrée, différente de la taxe portuaire. Cette dernière nous paraissant un peu louche, nous filâmes dès qu'il eut le dos tourné. 
Avec tout ça, nous sommes quand même arrivés avant l’ouverture des portes d’accès au ferry.

Lutte sans merci
Sur le quai, s’entasse des milliers de cartons, de colis, de valises. A croire que chaque passager déménage complètement. Part en exil.
Puis les portes s’ouvrent. le délire avec… Les douaniers, de l'autre coté des grilles, contrôlent absolument tous les bagages dans une inorganisation assez incroyable. Le but du jeu étant d’obtenir la petite étiquette bleue prouvant que le bagage est passé dans leurs mains.
C’est la foire d’empoigne. Les colis s’entassent anarchiquement devant les douaniers, tombent, s'éventrent. Une fois de plus, ça se bouscule, se passe devant, se pousse les colis pour mettre le sien en premier…
Nous n’échappons pas au bordel. Nous disposons tant bien que mal nos sacoches sur le comptoir. Ma machette semble poser un problème, mais elle est vite aspirée par le flot de bagages qui arrive et le douanier débordé n’y prête plus attention. Je la glisse de nouveau dans mon sac. Ni vu ni connu. Au moment de passer le dernier contrôle, celui des étiquettes bleues, le contrôleur tique… Pas d’étiquettes sur les vélos… Mais un rapide échange avec le douanier lui confirme que tout est ok. Nous pouvons pousser les vélos jusqu’au ferry. A partir de là, tous se passe comme sur des roulettes. Les vélos sont chargés avec les sacoches et placés en sécurité à la proue du bateau. Nous pouvons gagner notre banquette coté femmes, couples et enfants. Les hommes seuls n’y sont pas autorisés, ce qui nous laisse beaucoup de place et nous permet de nous allonger pour passer une nuit bien confortable.

Dans le prix du billet est compris un repas. Notre dernier foul Soudanais.
Le bateau partira à la nuit, avec plus de 4 heures de retard…
Sur le pont, les tapis sont installés pour la prière et le muezzin lance l’appel qui résonne dans les hauts parleurs du bateau…
Nous passerons devant les temples de Abu Simbel de nuit sans pouvoir les admirer.
Le lendemain dans l’après midi nous arrivons à Assouan. Les drapeaux Soudanais et Egyptien sont hissés, nous pouvons accoster. En tant qu’étrangers ayant besoin d'un visa, nous avons droit à un régime spécial. Le commandant du bateau ayant gardé nos passeports pour les remettre directement aux autorités Egyptienne, nous n’aurons pas à faire la queue, sous un soleil de plomb pour passer les contrôles. Nous allons directement dans un bureau de l’immigration ou nos passeports nous attendent avec le tampon d’entrée. Nous n’avons pas payé le visa. Quand nous nous en étonnons, l’officier nous explique que le visa doit se prendre en ville dans n’importe quelle banque, quand nous voulons. La durée possible de notre séjour est de 4 semaines, plus 2 semaines « bonus » ( ?)… Welcome to Egypt.
Evidement quand nous nous rendons dans une banque pour acheter notre visa, personne ne sait de quoi nous parlons… Après 3 banques, nous abandonnons. Nous sommes en règle, nous avons le tampon d’entrée. Pour le reste, nous verrons bien.

J’irais dormir chez vous.
A Assouan, nous prenons un peu de repos. Nous sommes impressionnés par l’abondance de nourriture, de fruits, de magasins bien achalandés. 

Le premier soir, nous nous précipitons chez Mac Donald… En France nous fréquentons peu les fast food, mais ici, nous en rêvions… 

Nous nous délectons de chaque bouchée du burger… et du sundae au caramel…
Du monde, du bruit, des lumières. Nous sommes sortis du désert.


2 jours à Assouan avant de reprendre la route en suivant le Nil.

Plus de circulation, plus de bruit. Les Egyptiens conduisent au klaxonne. Plus de monde aussi. Impossible de planter la tente. Les bords du Nil sont habités et les villages qui se suivent n'ont pas d'infrastructure hôtelière.

Il nous reste donc la solution d’aller frapper à une porte pour demander l’hospitalité. C’est ainsi que nous arrivons chez Adil. Tout de suite nous sommes les bienvenus et nous retrouvons avec du thé dans les mains, un grand plateau de fruits, de pain de « vache qui rit ». Adil est fermier et instituteur. 

Après nous avoir indiqué l’endroit ou nous pourrons passer la nuit, nous faisons connaissance de sa famille. Les 2 garçons et les 2 filles. Zakaria, l’ainé des garçons apprend le Français à son école et son livre d’exercices nous prouve que c’est un bon élève.

Merci à cette famille de nous avoir si gentiment accueillis.

L’Egypte sous haute surveillance.
Alors que nous étions à Assouan, l’Egypte à vécue, dans le nord Sinaï, un des attentats les plus meurtriers de son histoire.  Le président Sissi a promis de venger les victimes et de maintenir le pays en sécurité.
De fait (?), tout au long de la route, nous rencontrons des checkpoint policiers que nous passons sans montrer "patte blanche". Jusqu’à celui de Esna.

Ici nous sommes invités à nous arrêter. Un policier nous prend nos passeports et nous explique que nous devons rejoindre Louxor pour y passer la nuit. Il est 16 heures le soleil a commencé son déclin. Nous sommes à 8O kilomètres de la ville. Il est impossible, à vélo, de rejoindre Louxor de jour. Mais les consignes sont les consignes. Nous ne pouvons par dormir dehors, ni même au poste de police. 
 - Une escorte va vous emmener au poste de contrôle suivant ou vous pourrez passer la nuit.
Chargement des vélos dans le pick up et en route.
Au poste de contrôle suivant, même problématique. Nous ne pouvons pas continuer, mais nous ne pouvons pas, non plus, dormir ici.
 - Une escorte va vous emmener au poste de contrôle suivant ou vous pourrez passer la nuit.
Chargement des vélos dans le pick up et en route.
Au poste de contrôle suivant, même problématique. Nous ne pouvons pas continuer, mais nous ne pouvons pas, non plus, dormir ici.
 - Une escorte va vous emmener au poste de contrôle suivant ou vous pourrez passer la nuit.


Il fait maintenant nuit noire. Nous avons pris 3 pick up. Nous assurant, a chaque fois,  qu’au poste de contrôle suivant nous pourrions passer la nuit. En fait ils se débarrassaient de nous en nous refilant au suivant… Pratique, mais pas très éthique.
Au dernier barrage, les policiers nous libèrent. Plus de problème, nous pouvons continuer…. 
Il fait nuit noire, nous sommes à plus de 10 kilomètres de Louxor… Hors de question d’enfourcher les vélos et de continuer. Nous allons dormir au poste, comme annoncé depuis le début de cette bouffonnerie. Point barre. 
Vous êtes là pour notre sécurité, vous allez l’assurer et ne pas nous abandonner en banlieue de Louxor en pleine nuit. 
Problème. Personne ne peut, ne veut prendre la décision, la responsabilité de nous garder. Les téléphones sont décrochés, les chefs sont appelés. On nous apporte du thé, des chaises. On nous dit d’attendre… Personne n’a de réponse, les pontes sont déjà couchés ou ne savent pas non plus…
Nous sentons que nous allons passer la nuit comme ça, assis sur des chaises à boire du thé. Il est tant de nous imposer.
Ce que nous faisons en poussant les vélos derrière le bâtiment et en déballant nos affaires sur une dalle de béton. Nous sommes bien cachés, personne ne peut nous voir de la route. Du coup, cela semble convenir à tout le monde. Les mines embêtées laissent à nouveau place à la bonne humeur. Chacun assiste au spectacle du montage de la tente. Les smartphones nous éclairent comme en plein jour. On nous apporte à nouveau du thé. Fin de la journée. Nous pouvons nous glisser sous notre tente. Nous avons parcouru 150 km, dont 70 en pick up. Dehors, les AK-47 et les policiers protègent nos vélos. Nous pouvons dormir tranquille.
Le lendemain la nouvelle équipe est contente de nous voir partir. 
Nous  rejoignons Louxor tranquillement où nous trouvons un hôtel.

Nous nous accordons un petit stop de quelques jours, pour visiter la ville qui regorge de vestiges pharaoniques, ainsi que pour étudier les trois itinéraires qui s'offrent à nous.